Peintre, sculpteur, photographe, performeur et bâtisseur de lieux culturels, Barthélémy Toguo compte parmi les artistes camerounais les plus influents de la scène contemporaine. Son travail explore la mobilité, les frontières, l’exil et l’appartenance. Avec Bandjoun Station, il agit aussi concrètement pour favoriser l’accès à la culture au Cameroun. Alors qu’une grande exposition lui est consacrée à la Bibliothèque nationale de France, retour sur le parcours d’un créateur engagé et profondément poétique.
Né en 1967 à Mbalmayo, au Cameroun, Barthélémy Toguo a construit sa carrière sur le mouvement, à l’image des thèmes qui traversent son œuvre. Sa formation artistique est elle-même un voyage commencée à l’École des Beaux-Arts d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Elle se poursuit en Europe, à l’École supérieure d’art de Grenoble puis à la renommée Kunstakademie de Düsseldorf en Allemagne. Cette double culture deviendra la matrice de sa réflexion.
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Au cœur de l’œuvre : l’humain et ses fractures
L’art de Barthélémy Toguo est un art en prise directe avec le réel. Il explore avec une acuité rare les « dysfonctionnements du monde » : les frontières, qu’elles soient géographiques ou mentales, le drame des migrations, les inégalités postcoloniales, les menaces écologiques et les abus de pouvoir.
Ses séries de performances Transit, réalisées dès les années 1990 dans des aéroports, où il se met en scène avec d’immenses tampons en bois sculptés de mentions comme « étranger » ou « visa« , ont marqué les esprits. Elles illustrent parfaitement sa démarche : utiliser son propre corps comme un outil politique pour interroger les notions d’identité, de passage et d’exclusion.
Si ses installations, comme « Le Pilier des migrants disparus » exposé sous la pyramide du Louvre en 2022, frappent par leur échelle monumentale, ses aquarelles révèlent une autre facette de son talent. Sur le papier, ses silhouettes fluides et ses corps hybrides, mi-humains mi-végétaux, expriment à la fois la souffrance et la vitalité, la fragilité de la vie et sa formidable capacité de régénération.
Bandjoun Station : une utopie concrète
Ancré dans le monde mais fidèle à ses racines, Barthélémy Toguo ne se contente pas de commenter. En 2008, il initie dans son village au Cameroun un projet hors-norme : Bandjoun Station. Il s’agit d’un centre d’art vivant et multidisciplinaire qui comprend des espaces d’exposition, une bibliothèque, des résidences pour artistes et chercheurs du monde entier, et même une plantation de café et des cultures vivrières biologiques.
C’est la preuve, selon lui, que « l’art peut changer le monde » en créant des ponts et en favorisant l’éducation et l’autonomie.
Une consécration internationale et des actualités marquantes
La reconnaissance du travail de Barthélémy Toguo est aujourd’hui mondiale. Nommé « Artiste de l’UNESCO pour la paix » en 2021 et promu Officier des Arts et des Lettres en France, il est collectionné et exposé par les plus grands musées.
Signe de son influence grandissante, il a été choisi pour concevoir le design de la nouvelle ligne de tramway de Montpellier, dévoilé en 2023 pour une mise en service en 2025, inscrivant durablement son univers visuel dans l’espace public.
Les œuvres de Barthélémy Toguo à la fois personnelle et universelle, nous rappelle avec force que face aux fractures du monde, l’art reste un désir d’humanité, un souffle vital indispensable.
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Ève-Pérec N.BEHALAL
