Artiste multi-instrumentiste, Armand Biyag écrit depuis plus d’une quinzaine d’années de belles pages de la musique camerounaise. De passage sur le plateau « L’invité » sur Laura Dave Média Télévision, celui qu’on surnomme « L’homme orchestre » a partagé, au cours d’un entretien à batons rompus, sa rencontre avec avec la musique, son regard sur la nouvelle génération d’artiste camerounais, son avis sur l’épineuse question des droits d’auteur au Cameroun, les moyens qu’il s’est donnés pour arriver là où il est aujourd’hui et où il projette d’être demain ainsi que bien d’autre sujets.

LDM: Bonsoir Armand Biyag et bienvenu à Laura Dave Media. Vous êtes un artiste musicien tellement admiré dans votre milieu. On vous surnomme d’ailleurs « l’homme orchestre« . Pourquoi le public vous respecte-t-il autant? ?
Armand Biyag: Bonsoir et merci pour l’invitation. Alors, pour être honnête, je ne sais quoi vous répondre car seul le public sait véritablement pourquoi il me respecte autant, peut être parce que je fais la musique qu’il aime je la fais d’ailleurs avec tout mon cœur et toute mon âme. Pour le surnom de « homme-orchestre« , c’est peut parce que je joue à plusieurs instruments à la fois. Mais, je l’avoue, je ne connais pas la véritable raison pour laquelle le public m’a surnommé ainsi.
LDM: Qui se cache donc derrière cet artiste surnommé « homme-orchestre«
Armand Biyag : Je dirais tout simplement que je suis un artiste, chanteur, auteur-compositeur et arrangeur né à Douala, qui a commencé à faire la musique à cinq ans en chantant dans la chorale de mon église. Je ne savais pas que j’allais faire carrière là-dedans parce que je jouais au foot, mais, à un certain moment de ma vie, la musique a fait appel à moi et je me suis laisser entraîner. C’est ainsi que je commence à faire de la world musique qu’on appelle aujourd’hui Camer jazz, parce que c’est du Jazz camerounais dans lequel il y a un mélange de plusieurs types de musiques.
LDM: Comment se passe votre entrée dans la musique? Un héritage parental, une passion, une vocation?
Armand Biyag : Mon entrée dans la musique n’est pas un héritage parental parce que mes parents n’étaient pas chantres, sinon ma mère, qui était dans la chorale de l’église. Donc chez nous, personne n’a fait la musique comme métier. Mon entrée dans la musique s’opère après que le football m’a déçu parce que, lorsque je jouais, j’étais tout le temps victime de blessures et de fractures, etc…En plus, le football ne m’apportais rien. Je gagnais 500fr par séance et c’était difficile vu que j’habitais Nkonmondo et je devais aller jouer à Tercocam, ce n’était pas évident.
C’est ainsi que je commence à m’intéresser à la musique. J’allais jouer dans un petit cabaret qu’on appelait le Kinémax dont le promoteur était le professeur Essomba, et c’est de là qu’est venue en moi l’envie de faire la musique de manière professionnelle parce que je commençais déjà à gagner de l’argent grâce à elle, notamment trois milles francs par soirée.
LDM: Vous avez rencontré des difficultés à vous faire une place dans ce milieu? Si oui, lesquelles?
Armand Biyag: J’ai simplement décidé d’observer le milieu parce qu’effectivement, le milieu de la musique est compliqué et quand j’y arrive, je suis dans un orchestre de Congolais à pk14 en tant que pianiste, parce qu’à cette époque, il fallait savoir jouer à au moins un instrument. Le salaire était minable vraiment. C’est à peine si on gagnait 20 000fr par soirée, et nous étions minimum 8 dans l’orchestre. Si vous faites la division, vous allez vous rendre compte que c’était vraiment minable mais, on a tenu. C’est ainsi que je me met à mon compte parce que j’avais déjà appris au sein du groupe et c’est ainsi que j’ai commencé à gagner les marchés qui me rapportaient un peu plus. C’est ainsi que j’ai trouvé mon compte et réussi par ricochet à me faire une place dans le milieu.
LDM: Comme tous ceux qui exercent un métier de passion comme le vôtre, quels sont les artistes qui vous ont le plus influencé dans votre parcours musical ?
Armand Biyag: J’ai été influencé par des artistes comme Manu Dibango parce que, pour une fois, je me dis on verra un artiste instrumentiste. Richard Bona, Étienne Mbappè, Ekambi brillant, Henri Dikongue et Belka Tobi. Ils sont tellement nombreux, mais particulièrement Belka Tobi, il m’inspire beaucoup au quotidien.

LDM: Vous avez 3 albums sur le marché. Le dernier en date c’est « Jam« , sorti en 2022. Il parle de quoi exactement?
Armand Biyag: « Jam » qui veut dire événement, partage, parce que quand je décide de le faire, je suis sur le point de partir sur Paris car j’avais reçu une bourse où je devais présenter un projet qui s’appelait » Makoune Jam« . Après la présentation à Paris, je sors de là avec un nom, « Jam« , parce que je voulais voyager avec le football, je n’ai pas pu et ensuite la musique m’a proposé un voyage, tous frais payés, alors pour moi c’était un événement et puisse que j’ai toujours en moi le désir de partager ce que je sais faire, c’est ainsi que j’ai intitulé mon album « Jam ».
LDM: Vous avez un studio d’enregistrement et avez aussi ouvert une maison de production « Casa Africa« . Comment travaillez-vous avec ceux qui vous sollicitent?
Armand Biyag: Oui, tout simplement parce que j’ai toujours été au service de la musique. Ce que j’essaye de faire à chaque fois, c’est de tendre la main à mes jeunes frères à fin d’apporter un plus à ce qu’il savent déjà faire. C’est ainsi que je travaille avec ceux qui me sollicitent
LDM: Comment est né ce projet ?
Armand Biyag: J’ai toujours voulu être un artiste leader, un artiste qui accompagne aussi les autres et pour cela, je me suis dit qu’il me fallait mon propre studio d’enregistrement, ma propre maison de production et c’était mon vœu le plus cher. J’ai toujours trouvé magique de partir de rien où d’une note à un chef d’œuvre artistique. J’ai toujours voulu être à cette place, d’auteur compositeur, arrangeur etc…
LDM: Comment trouvez-vous les artistes de l’actuelle décennie, ils s’en sortent mieux que ceux d’avant en terme de génie musical?
Armand Biyag: Ce que je vais dire à présent va être très fâcheux malheureusement, je ne sais pas faire dans la langue de bois, je trouve que la nouvelle génération d’artistes ne prend pas le temps pour apprendre. Avant, les artistes savaient jouer d’un instrument. Dina Bell, Henri Njoh, Manu Dibango, Anne-Marie Nzié, Annie Anzouer… tous maîtrisaient au moins un instrument, que ce soit la guitare, le piano ou la batterie. C’était indispensable, car il fallait soi-même enregistrer une maquette avant de se rendre à l’étranger pour un enregistrement complet. Cette démarche exigeait des compétences techniques solides. Maus aujourd’hui, beaucoup de mes jeunes frères artistes veulent briller immédiatement, être célèbres et faire parler d’eux. Mais ils oublient que la base de la musique, c’est la connaissance de ses codes. C’est comme vouloir conduire sans avoir le permis.

LDM: Armand Biyag est marié? Père?
Armand Biyag: Effectivement je suis marié et père d’enfants.
LDM: Comment parvenez vous à concilier votre vie artistique et votre vie personnelle ?
Armand Biyag : Avant de vous répondre, laissez-moi vous dire que je n’en ai pas deux vies, alors pour moi, un artiste, c’est celui qui n’a qu’une seule vie. Je suis artiste partout alors je n’ai pas de vie artistique ensuite, une vie personnelle, désolé. C’est la musique qui nourrit ma famille, la musique fait tout dans ma vie en fait.
LDM: Comment votre épouse arrive t-elle à gérer votre célébrité ?
Armand Biyag : La chance que j’ai dans ma vie c’est d’avoir une femme qui est également artiste comme moi et donc, elle connaît les réalités du milieu et elle sait que je ne suis pas célèbre, que je ne suis pas une star, que je ne suis qu’un artiste.
LDM: Dans le showbiz, qu’est-ce que vous avez déjà refusé comme condition ou clause professionnelle qui ne cadrait pas avec vos valeurs morales?
Armand Biyag: Jusqu’ici non! Avec mon premier producteur, tout s’est bien passé, il y a pas eu de propositions indécentes. Faut-il que je rappelle ici qu’après mon premier producteur, je me suis mis à mon propre compte depuis 2012. Peut-être de faux cachets oui, mais le reste, non.

LDM: Quel est votre avis sur l’évolution de la musique camerounaise ces dernières années ? Cava dans le bon ou dans le mauvais sens?
Armand Biyag: Pour moi, en regardant ceux qui la représentent sur l’échelle internationale aujourd’hui, oui, elle a évolué. Je pense comme ca à Richard Bona, Ben Decca, Blick Bassy et bien d’autres qui, à travers ce qu’ils font, transmettent les germes de la musique camerounaise à travers le monde. Ce sont des artistes qui ont remporté des prix pour le Cameroun. Je parlerais aussi de Franko à qui on a décerné un disque d’or en France.
Sur le plan local, on n’a pas évolué, étant donné que rien ne fonctionne normalement. Aujourd’hui, avec l’arrivée des machines et de l’intelligence artificielle, tout le monde peut chanter en ajoutant l’autotune sur les productions. Toutefois il y en a quand-même qui se démarquent, je pense aux artistes comme Locko, Cysoul, etc…

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LDM: Qu’est ce qui doit être fait pour que les artistes camerounais soient reconnus à l’étranger notamment cette nouvelle génération dont vous parliez plus haut?
Armand Biyag: Tout simplement, que ces artistes se mettent à l’école de la musique pour avoir la base, c’est simple. Il faut être capable de défendre son métier. L’industrie de la musique au Cameroun ne marche pas comme il faut, on ne peut pas vendre un million de disques au Cameroun parce que rien ne fonctionne, le secteur musical n’est pas encadré. Il faut donc revoir la question des droits d’auteur. Il faut que mes jeunes frères soient à mesure de parler musique devant les autres. Quels sont les codes de la musique, les notes, etc… Combien d’entre eux peuvent répondre à cette question franchement?
LDM: Quel regard portez-vous sur la gestion des droits d’auteur au Cameroun ?
Armand Biyag: Actuellement, je ne suis pas sûr que ce mot existe au Cameroun. Il y a des répartitions qu’on donne mais qui ne valent pas le travail fourni par les artistes. Le plus gros montant que j’ai touché depuis que je fais de la musique au Cameroun est 50.000fr et ça vient après six mois. Contrairement aux autres pays où je suis inscrit où chaque mois, je touche mes droits. Maintenant, ce que je suggère pour que les choses s’améliorent, c’est que déjà, l’on remette en place la censure. C’est pas tout le monde qui est fait pour être artiste, nous sommes tellement nombreux pour rien. Nombreux sont dans le système qui ne maîtrisent pas le domaine. Ok, on peut avoir des hommes d’affaires qui viennent soutenir le secteur mais il faut que l’on ait des professionnels à la tête de nos institutions qui vont gérer ces droits. Enfin, il faut que l’on reconnaisse le métier de musicien comme un métier à part entière, ce qui n’est malheureusement pas le cas chez nous comme on le voit dans d’autres pays où le métier de musicien est reconnu.

LDM: Quels conseils donneriez-vous à vos collègues artistes, avec ce qu’on voit aujourd’hui, où beaucoup connaissent des fins tragiques ?
Armand Biyag: Je dirais tout simplement qu‘ils doivent apprendre à s’organiser autour des projets et arrêter avec la vie de débauche dans les boîtes de nuit et autres. Ils doivent faires des investissements et des économies.
LDM: Revenons à vous et à vos projets. À quoi doivent s’attendre vos fans dans les prochains mois?
Armand Biyag: Musicalement parlant, pour le moment, je me consacre à mettre en avant ces jeunes talents qui sont dans ma maison de production, mais j’ai aussi des tournées à faire à l’étranger. La première est calée pour les mois d’avril et juin prochains. Mais mon équipe et moi sommes entrain de nous organiser pour faire cette année trois à quatre grands spectacles dans le pays, Douala ,Yaoundé, Bafoussam, et peut-être Garoua aussi, dans le but de permettre au public de savourez de la bonne musique, puisqu’il semblerait que mes spectacles sont chers.
LDM: Quel conseil maintenant aux jeunes talents qui souhaitent percer dans l’industrie musicale ?
Armand Biyag: Comme je l’ai dit à l’entame de ce programme ,dans tous ce que tu veux faire dans la vie, cherche à te former, cherche à apprendre les fondamentaux, les bases. Alors, à mes jeunes frères je leur demande de chercher à faire l’école de musique tout simplement. La célébrité OK, mais après quoi ? Alors, qu’ils se remettent en questions et au travail en acceptant de se former.

LDM: Nous sommes en plein année électorale. Quel est le message que vous envoyez à la fois à vos collègues artistes et aux acteurs politiques pour cette prochaine échéance?
Armand Biyag: Vous devez savoir que moi, je ne parle pas de politique. Ceux qui pensent que la musique est politisée, la mienne ne l’est pas. Du coup, à mes collègues, je n’ai rien à dire. Chacun est libre de faire son choix. Moi, principalement, je ne fais pas de politique, je n’irai jamais chanter dans un meeting politique. Jusqu’ici, cela reste personnel. Parce que même si je votais, je ne pense pas que cela changerait grand-chose dans ce pays. Il y a beaucoup à revoir au Cameroun. De plus, le jour où mon secteur d’activité, la musique, sera reconnu comme un véritable métier avec des droits sociaux comme la CNPS et des conditions de vie améliorées pour les artistes, alors là, j’irai voter. Depuis que l’on parle des élections présidentielles au Cameroun, vous n’avez jamais entendu un candidat dire que dans son programme, il veut améliorer les conditions de vie des acteurs culturels et reconnaître la musique comme un métier à part entière.
LDM: Armand Biyag, Merci d’avoir répondu à nos questions.
Armand Biyag: C’est moi qui vous remercie, notamment Laura Dave qui me donne toujours l’opportunité de venir partager mon expérience. Merci pour le soutien. Que Dieu vous bénisse!

« Nous n’avons pas d’artiste à la dimension de Koffi Olomidé. Je veux être… »
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William Nlep