Musique urbaine et rythmes traditionnels constituent un choc intergénérationnel perpétuel, qui tend à faire un mélange hétérogène avec l’entrée en scène d’une nouvelle génération qui apporte fraicheur et innovation. Malheureusement certaines chansons aux paroles obscènes divisent une certaine opinion. Analyse des mutations controversées de cette musique dans cet article de Laura Dave Media.
Petite balade dans les chaumières
Sous le ciel menaçant de cette période de pluies, Rusell, assis sur un tabouret attend patiemment les clients, les yeux rivés sur son téléphone et le casque aux oreilles. Une tape dans le dos lui fera constater la présence de personnes devant son échoppe de vêtements d’occasion au marché Ndokoti à Douala au Cameroun. « Toutes mes excuses » s’exclame-t-il ! « Je suivais de la bonne musique. Tu connais ce type de son qui te plonge dans un passé lointain » renchérit-il en se levant de son siège! Et nous de lui demander de quel type de musique il s’agissait, il répond dans un lointain regard nostalgique « qu’à leur époque, les artistes avaient un amour effréné pour le travail bien fait. Ils savaient chanter avec des mélodies parlantes dont on s’en souvient comme si c’était hier ».
Très prolixe, notre vendeur va se mettre à table en donnant des noms plus ou moins connus du Makossa, du Bikutsi, du Ben-skin et bien d’autres rythmes que nous avons eu de la peine à retenir. Pour lui, la nouvelle génération avec les avancées technologiques devient de plus en plus médiocre. Tous veulent la célébrité tout de suite et à tous les prix au point de nous servir une sauce à la limite du tabou. Tout y passe dans les vidéogrammes sans aucune censure comme à l’époque. C’est en quelques mots l’analyse de Rusell qui remet un coté de son casque aux oreilles.
Rejoins dans la conversation par Didérot, l’un de ses nombreux clients, le débat s’anime au point de déchainer les passions. Ce dernier ne sera pas du tout tendre. Pour lui, la musique au Cameroun est morte depuis avec le départ de certains aînés tels ques Manu Dibango, Pierre DIDI Tchakounté, Tchana Pierre, NKOTTI François, Tom Yoms, Lisa T., Ekambi Brillant, KOTTO Bass, pour ne citer que ceux là. Il ajoute que la musique camerounaise a perdu toute sa superbe qu’on lui reconnaissait sur le plan continental voir international : « Notre culture par le biais de la musique tutoyait les grands noms de la scène comme Fela KOUTI et les autres. Actuellement ce n’est qu’un gros tapage dénudé de tout substrat, qui bénéficie en plus du soutien de certains médias locaux qu’accompagnent les multinationales. Grosse perte pour la jeunesse en quête de repère » conclut-il.
La Musique, une question de générations ?
Bien que la musique soit l’art de combiner les sons d’une manière agréable à l’oreille, Il n’en demeure pas moins vrai qu’elle a des codes et ces codes peuvent être cassés ou améliorés en fonction des générations. Mais elle garde et conserve une base faite de notes et elles sont universelles. C’est dans cet esprit qu’Adrien, qui a pris le train en marche, entre en scène avec le son d’un artiste urbain, ‘’Ndutu’’ du chanteur Locko:
De manière péremptoire, il dit : « la musique camerounaise occupe une place de choix au sein de l’échiquier international et nos artistes sont aux premières loges » souligne-t-il. « Elle peut ou peut ne pas plaire, tout est question de goût et surtout de génération. Malheureusement c’est ce qui passe le mieux sur le marché aujourd’hui. Deux œufs spaghetti de Ko-c, Massiko de Phil Bill, Cysoul et Fadil le Sorcier, tout ça. Voilà »
La musique urbaine un levier de développement
En effet, depuis bientôt 10 ans l’industrie musicale urbaine camerounaise se porte bien delà de toutes polémiques corporatistes des droits d’auteurs. On y retrouve un retour aux sources d’un mélange hétérogène entre l’Afrobeat, le rap et la musique traditionnelle. De nombreux jeunes talents sollicitent de plus en plus des ainés pour des collaborations afin d’innover sans déteindre, et ça marche. D’autres font carrément des remix d’anciens succès avec les standards actuels de modernité. Cysoul Feat Pit Bacardi sur « Doucement », Charlotte Dipanda et Salatiel dans ‘’Closer’’, Daphné feat Ben Decca dans ‘’Ndolo’’, Petit-Pays feat. Salatiel dans ‘’Pélé’’. La liste est loin d’être exhaustive.
Luc BIGA