vendredi, novembre 22, 2024
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ENTRETIEN AVEC…. Mamane : « Un artiste n’est pas un commerçant, mais un messager»

Mamane, de son vrai nom Mohamed Mustapha, est un humoriste, réalisateur et scénariste nigérien. Fils de diplomate, il a passé son enfance entre la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Nigéria, suivant les différentes affectations professionnelles de son père à travers le continent. Il quitte plus tard l’Afrique pour la France, où il entame un troisième cycle en Physique végétale. Toutefois, c’est sur scène qu’il se découvre une nouvelle vocation, renonçant ainsi à une carrière scientifique qui ne l’aurait peut-être pas porté haut comme l’humour l’a fait. Il participera à la 1re saison du « Jamel Comedy Club » en 2006 avant de devenir chroniqueur sur Radio France Internationale (RFI) en 2008. C’est sur cette antenne qu’il développe l’univers de la « République très très démocratique du Gondwana » qui va marquer un tournant décisif dans sa carrière. En 2016, il franchira une nouvelle étape en réalisant « Bienvenue au Gondwana », un long-métrage satirique sur les dérives électorales dans un pays imaginaire. Invité par la rédaction de Laura Dave Média, l’artiste a partagé, avec passion et franchise, sa vision de l’humour, de la vie, ses engagements et ses ambitions pour l’Afrique.

Laura Dave Média (LDM) : Bonjour Mamane, merci d’avoir répondu à notre invitation.

Mamane : C’est moi qui vous remercie.

LDM : Vous êtes humoriste, chroniqueur, réalisateur, star de radio et de télévision. Comment êtes-vous arrivé à dévier votre trajectoire alors que vous suiviez des études en biologie à votre arrivée en France ?

Mamane : Comme beaucoup de jeunes Africains, je suis parti en France après le baccalauréat pour poursuivre des études supérieures. Par le plus grand des hasards, j’ai intégré un atelier de comédie. Sketch après sketch, ce qui n’était qu’un hobby s’est transformé en métier. Sur scène, j’ai trouvé une plateforme pour exprimer tout ce que j’avais sur le cœur : parler des réalités de mon continent, de ses défis. Rapidement, j’ai su que ma vocation était là, et j’ai alors décidé de m’investir pleinement dans l’humour. Mon but, au-delà de divertir, était de revenir en Afrique et d’apporter ma contribution, aussi modeste soit-elle, au développement de la culture africaine.

LDM : Comment définiriez-vous votre style humoristique ?

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Mamane : Pour moi, l’essence de l’art réside dans la sincérité. Mon humour reflète qui je suis. Je ne me pose jamais la question de savoir comment je dois m’exprimer ou quel style adopter. Ce qui m’importe, c’est le message que je transmets. Tout artiste doit rester fidèle à lui-même et ne pas chercher à calibrer son œuvre en fonction des attentes du public. Nous ne sommes pas des commerçants soucieux de vendre un produit. Nous offrons notre vision du monde, et c’est au public d’accepter ou de rejeter ce qu’on propose. Mon rôle, c’est d’être authentique.

LDM : Vous animez depuis plus de dix ans une chronique sur RFI, « La République très très démocratique du Gondwana« . Comment ce concept a-t-il vu le jour ?

Mamane : La « République très très démocratique du Gondwana » est le reflet de ce que j’ai en tête et dans le cœur. Mon parcours a débuté avec le One Man Show, puis RFI m’a sollicité pour proposer une chronique humoristique qui résonne auprès de toute l’Afrique. Il fallait donc concevoir un pays fictif qui incarne les maux communs à de nombreux États africains : absence de gouvernance, pénurie d’eau, d’électricité, manque de liberté d’expression, etc. Le Gondwana est devenu ce symbole, un miroir grotesque de ce que nous ne voulons pas pour nos pays. Aujourd’hui, l’expression « Nous ne sommes pas au Gondwana » est entrée dans le langage populaire, preuve que cette satire a touché un point sensible. Je ne vise aucun pays en particulier, mais les situations que je décris ont une résonance dans toute l’Afrique.

LDM : Vous abordez donc des sujets tabous dans vos spectacles et chroniques sur cette fameuse ‘’République du Gondwana’’, qui dérangent parfois. Quel est le but de cet engagement ?

Mamane : L’humour doit être porteur de messages, en particulier pour les humoristes africains. Nos sociétés font face à de nombreux défis, et c’est notre devoir, en tant qu’artistes, de les mettre en lumière, tout en faisant rire. L’humour est comme un médicament : pour que les enfants l’acceptent, il faut le sucrer. Notre rôle est d’adoucir la pilule tout en délivrant un message de fond. Rire pour rire, ça peut amuser, mais rire tout en suscitant une réflexion, c’est là que l’humour prend tout son sens.

LDM : Avez-vous l’impression que votre message est bien perçu par ceux visés dans vos chroniques et sketches ?

Mamane : L’Afrique est un continent immense avec de nombreux points communs. Mon rôle est de véhiculer de la joie, mais aussi de poser des questions. « Le Parlement du rire« , par exemple, s’attaque toujours à des problématiques sociétales sérieuses. Notre objectif est de montrer l’absurdité de certaines situations, de provoquer le rire tout en invitant les gens à réfléchir et à agir.
Les réactions du public, que ce soit sur scène ou sur les réseaux sociaux, montrent que nous touchons un point sensible. Quand je vois l’impact de chaque sketch, je me dis que notre mission est en partie accomplie.

LDM : Merci Mamane de nous avoir accordé cet entretien.

Mamane : C’est moi qui vous remercie pour cette opportunité de partage.

Propos recueillis par Rosy Mireille Nanjip

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