Originaire de Bayangui dans la région du sud-ouest du Cameroun, Stanley Enow est un rappeur camerounais qui a réussi à propulser les couleurs nationales à l’échelle mondiale grâce à ses performances musicales captivantes. En l’espace de 10 ans de carrière, Stanley a cumule un palmarès impressionnant dont il a partagé les secrets lors d’une interview dans les locaux de Laura Dave Média.
LDM: Bonjour Stanley Enow et bienvenue dans les locaux de Laura Dave Média.
Stanley Enow : c’est un plaisir d’être ici.
LDM: Vous faites partie de ces artistes qui ont entamé leur carrière en tant que homme de médias; est ce qu’au début vous présagiez un tel succès ?
Stanley Enow : Il est bien vrai que j’ai un parcours dans les médias mais je commence déjà par être rappeur à la base ; parce-que quand je vivais à Bafoussam je suis parti à la radio Crtv où j’ai rencontré les gens du micro tels que Serge Pouth et Léonard Châtelain; je partais pour faire un freestyle à la radio et quand je suis arrivé Serge .P a tellement aimé ma voix et il m’a dit que j’ai de l’or dans la voix et qu’il fallait juste donner une forme à cet or là. Donc je commence à faire la musique, ensuite les médias. C’est pour cette raison que toutes les émissions dans lesquelles j’ai travaillé étaient des émissions de musique. Je n’avais pas une façon conventionnelle de travailler car je faisais mes chroniques chantées. Mais, je pense qu’être un communicant c’est la base et c’est avantageux.
LDM: Travailler autour des émissions de musique a forgé l’artiste Stanley Enow au point où aujourd’hui vous êtes classés parmi les meilleurs dans le domaine de la musique urbaine. Qu’est fait en sorte que Stanley Enow reste toujours au sommet?
Stanley Enow : Je ne sais même pas si je suis au sommet. Mais je dirais que travailler dans les émissions m’a aidé parce que vous êtes continuellement à la recherche des musiques du moment, de ce qui est au top. Être l’un des meilleurs je ne sais pas; on se débrouille. Je pense que parlant de sommet on n’est pas encore au sommet, on n’est pas très loin, on est sur le chemin du sommet mais je pense que j’ai beaucoup à apprendre car c’est une réinvention pour moi de passer de «King Kong» à l’«African gentleman». C’est un nouveau concept et une autre façon de voir et écouter la musique, je pense qu’on est entrain de grandir, j’ai des gens autour de moi qui m’apprennent beaucoup de choses que je ne connaissais pas avant et j’ai aussi cette humilité d’apprendre aussi parce que ce qu’on veut donner doit avoir une certaine qualité qui est indiscutable. J’aimerais faire le genre de musique que si tu fais écouter à un gar de la Papouasie il sera stupéfait sans savoir si tu es originaire de ci ou de ça. Donc à un moment j’ai essayé de me dissocier de ma casquette de star car c’est le poids du passé qui empêche d’avancer, nous on a fait table rase et je me suis mis à apprendre avec mon équipe constituée des beat makers de la jeune et de l’ancienne génération et on essaye de jumeler parce que je n’ai plus 16 ans et j’aimerais chanter pour quelqu’un qui a 16 ans et pour que je puisse faire cela, il faudrait que je m’entoure de quelqu’un qui a 16 ans et qui a les idées d’un enfant de 16 ans. Ce sont des petits mélanges qu’on est entrain d’apprendre et je pense qu’on atteindra le sommet un jour.
LDM: Au niveau de votre carrière vous utilisez le petit nom «Banyangui boy» d’où vient-il?
Stanley Enow : Je suis Bayangui. C’est une tribu du sud-ouest, Bayangui vient de Manfé c’est chez nous qu’il y’a le Eru. On peut aussi m’appeler «Bafoussam boy» parce que je ne me limite pas à un endroit au Cameroun qui m’a forgé, qui m’a créé.
LDM: Homme de médias hier et chanteur aujourd’hui, quel est votre regard sur l’évolution du hip pop au Cameroun?
Stanley Enow : Je pense que ça a tellement évolué. Mon regard est grandiose, j’ai un beau regard sur le hip hop camerounais. J’aimerai qu’on parle de la musique urbaine car c’est plus large que le hip hop. Le hip hop est certes une grande discipline mais qui n’est pas mise en avant comme c’était le cas auparavant. Il y a pas mal de jeunes qui font de belles choses, je pense qu’il faut continuer de travailler parce-que en ce moment dans le monde l’Afrique francophone bouge, la Côte d’Ivoire est également entrain de faire quelque chose de grand que le Cameroun faisait il y a peut-être 2, 3, 4 ans donc je pense qu’il faut juste continuer de bosser, il faut de belles mélodies pour que les gens puissent mémoriser, parce s’il y a trop de souffrances; ce serait bien de se battre, de créer des mélodies qui feront battre les cœurs et les corps.
LDM: Vous faites partie de ces artistes de la musique urbaine à être pratiquement sur toutes les scènes à l’international; que ce soit dans les cérémonies d’awards, les concerts et même les collaborations avec les artistes internationaux à l’exemple de Davido, Mr Easy, Sarkody. Comment se font généralement les collaborations? Comment est-ce que ça naît?
Stanley Enow : Je dirais que j’ai la chance de parcourir le monde à travers ce que je fais. Et tous ceux que vous avez cité sont mes frères et collègues donc c’est normal qu’on puisse faire des musiques ensemble. C’est plutôt facile parce que c’est la même classe, c’est la même époque. Ce n’est pas un problème pour moi de faire une featuring avec mes frères; ça dépend de notre disponibilité. Je pense que ma plus grosse collaboration c’est avec le peuple.
En plus pour les feats c’est une entente, on essaye de travailler avec gens avec qui on a un certain intérêt. Par exemple si je veux travailler avec le Ghana, j’appelle Sarkody.
LDM: Parlons à présent de votre dernière sortie, le single «Take Ova» qui invite les jeunes au travail et aller de l’avant, à se surpasser. Quel était l’état d’esprit de Stanley Enow lorsqu’il composait cette chanson?
Stanley Enow : Mon état d’esprit en composant «Take Ova» c’est la révolution tout simplement, la renaissance parce que je sais qu’il y a eu pas mal d’années et il y a beaucoup de chansons que j’ai sorti et ça n’avait pas forcément l’écho que ça méritait. J’ai dis à Dieu que ça c’est le temps pour nous de mettre les pendules à l’heure, c’est le moment de ramener une qualité de sons qui va être propre à de belles personnes que nous sommes, les camerounais. Parce que on a beaucoup de musiques chez nous, on a beaucoup de grandes personnes qui nous ont donné un héritage musical à l’instar de Kareyce Fotso, Étienne Mbappé, Richard Bona, bref toutes ces personnes qui font de belles choses mais qui ne sont pas forcément dans le monde urbain. Et, on se dit ce serait bien vu qu’il y’a une bonne conversation autour de l’Afrique musicalement en ce moment et que malheureusement on n’a pas des sons de chez nous qui sont très bien et qui n’ont pas forcément le truc qui voudrait que ça puisse aller au delà de la communauté. Et dès lors qu’on a une jeune sœur comme Libianca qui a touché le monde à travers sa musique «People», je dirais que ça me réconforte dans mon idée de faire une musique qui est plutôt propre, qui fait l’apologie du travail, de l’intégrité, qui demande aux jeunes de «stand up right». Mon problème au départ était de trouver une musique qui peut toucher le monde et challenger à l’international. À cet effet, il a fallu que j’écrive, que je me fasse corriger, collaborer; et même quand j’enregistrais le son, il fallait avoir une certaine posture devant le micro. Mon ingénieur de sons c’est KED qui est nigérian, il a fait l’école de musique de Berkeley qui est l’une des plus grandes écoles de musique du monde; du coup, il est très pointilleux sur ma posture en studio. Le but était de sortir du lot et faire une musique que lorsque j’écouterai moi même je dirais que je me suis battu.
LDM: Par rapport au retour de cette musique, est ce que Stanley a l’impression que le public s’accroche beaucoup au message qui y est véhiculé afin de changer dans le bon sens?
Stanley Enow : Le public camerounais est un public qui a du goût et il n y a qu’à voir notre intelligence réunie, c’est quelque chose de fort. C’est vrai qu’on cède aussi à des tendances qui ne sont pas assez crédibles mais je pense que je me suis dis que ce serait très bien de créer la musique et de donner quelque chose de véritable. Durant ces 10 ans de carrière j’ai fait à des moments des chansons qui ne sont pas à l’image de ma personnalité juste pour ne pas être oublié, donc à un moment donné j’ai décidé de faire une musique qui me plaît, qui me parle. Vous verrez qu’il n y a pas un mot français dans «Take Ova», dans un pays comme le Cameroun où quand il fallait faire «Hein Père» il a fallu que je fasse forcément le mélange. J’ai décidé de laisser parler le génie et mon esprit et je fais une musique; et c’est comme ça que ça a accroché. Beaucoup de personnes la chantent sans savoir de quoi elle parle, ils ne prononcent même pas bien les paroles. Honnêtement on a la chance que «Take Ova» c’est une chanson parfaite et je pense que les gens l’aiment à cause de ça.
LDM: Il est difficile de voir Stanley Enow sortir une chanson qui n’accroche pas le public. Qu’est ce qui contribue à la viralité des chansons de Stanley?
Stanley Enow: Quand Dieu fait ta promotion tu fais comment? À part ça, on ne dort pas aussi. Pour «Take Ova» par exemple, on avait pensé danser avec des créateurs de contenus, on a créé une chorégraphie, j’ai aussi appris à devenir un Tiktokeur. J’ai eu la chance d’avoir une équipe dynamique qui m’a coaché et j’ai pu m’adapter sur cette plateforme car si je ne le faisais pas, on allait m’oublier. L’humilité aussi contribue à cette viralité, le fait de vouloir danser avec tout le monde ça fait plaisir. En gros c’est Dieu qui fait la promotion.
LDM: On sait que Stanley c’est 02 albums et plus de 20 titres et exactement 03 concerts organisés par vous même, et chaque fois que vous organisez des concerts vous faites salle pleine. Comment est ce que Stanley réussit à mobiliser autant de foule?
Stanley Enow : Mobiliser le public c’est s’entourer des personnes qui sont proches du public plus que vous parce que en fait nous on a la chance de parler avec les gens tous les jours quand on sort que ce soit à travers les médias, que ce soit en personne. Le secret c’est d’être bien entouré puisque je ne peux pas être à la fois chanteur et être à la fois celui qui mobilise, être à la fois celui qui communique. J’ai seulement la chance d’avoir des personnes qui m’aident au moment où je veux faire des choses. Actuellement j’ai une magnifique équipe avec qui je travaille, je dirai c’est juste une grâce parce qu’on ne peut pas être partout au même moment.
LDM: En 10 ans de carrière c’est quoi le plus difficile?
Stanley Enow : Le plus difficile c’est de rester soi-même. J’ai la chance que j’ai des personnes autour de moi qui m’enseignent autre chose au delà de la vente du rêve parce-que c’est un peu ça le métier; mais il font à que ce ne soit pas difficile pour moi d’aller m’asseoir à Njombé au champs cueillir des ananas comme un bon fils de bafoussam ou de Kankop. Je pense qu’il y a pas mal d’éléments qui me forcent à voir que je suis humain, je suis le fils de quelqu’un et d’une communauté. Le plus dure c’est d’être en vie et quand on est en vie il n y a rien qui peut nous dépasser.
LDM: Pour ces 10 ans de carrière qu’est ce qui est prévu?
Stanley Enow : Ce qui est prévu pour mes 10 ans de carrière musicale c’est beaucoup de musique, je renais en fait. J’évite de me mettre dans la posture de quelqu’un qui est arrivé. Il y’a beaucoup de choses à faire et à apprendre; je dois apprendre à écrire, je dois apprendre à me déplacer sur scène. Il faut que je sorte beaucoup de musique car les gens ont besoin de musique. Il faut avoir un catalogue parce le catalogue est un investissement pour l’avenir, pour les enfants et tout ce qui va avec. Pour mes 10 ans il y aura forcément un anniversaire, un gâteau dont j’ignore la dimension.
LDM: Stanley c’est également l’homme de l’humanitaire et ce n’est pas très courants chez les hommes. Qu’est-ce qui motive Stanley à mener ces actions?
Stanley Enow : L’humanitaire vient de humain et tant que tu es humain tu es obligé de te comporter comme un humain. Et l’humain, est celui là qui partage. l’humanité c’est un ensemble de personnes qui vivent sûrement dans un même espace et qui se battent à devenir meilleurs. Pour moi si je suis populaire et que ma popularité ne peut pas aider mon prochain, cela signifie que je ne sert absolument à rien, c’est zéro. Très vite on a créé la fondation Stanley Enow à l’époque de «Hein père» parce que c’est important pour moi de venir en aide aux personnes qui sont dans le besoin.
LDM: Stanley est l’un des artistes qui évite les clashs sur la toile. Comment est ce que Stanley réussit à gérer cette tempérance?
Stanley Enow : Je pense que les clashs existent pour se faire connaître et beaucoup de personnes veulent exceller par ce chemin. Si me clasher me permet de donner une belle visibilité à d’autres personnes ce n’est pas méchant. Je n’ai pas le temps de faire ça; je ne vois pas. Ce que je vois c’est l’amour et en venant ici j’ai acheté les arachides de 500f et ce n’était pas parce que j’avais faim mais juste parce que je ne voulais pas donner l’argent gratuitement à un jeune; je me suis dis qu’il faut que je lui donne 500f et en retour je prends les arachides de 100f juste pour qu’il comprenne qu’il n y a pas de facilité. Pour moi je passe le temps à donner de l’amour à des personnes autour de moi, je ne suis pas au courant de tout ce qu’on appelle clash car ça n’apporte que de l’ animosité, guerre. Alors qu’on peut se mettre ensemble et remplir des terrains. C’est dommage qu’on ait des stades chez nous et qu’on n’arrive pas à remplir ça; on devrait plutôt s’assoir entre frères et penser comment remplir les stades au lieu de chercher à détruire l’autre et ça perd le temps. Je suis déjà un vieux et je ne peux plus bagarrer.
LDM: En 10 ans quel est le moment qui t’a le plus marqué positivement et négativement?
Stanley Enow : En 10 ans ce qui m’a le plus marqué c’est de voir ma mère venir avec moi sur scène c’est à Canal Olympia qu’elle a pu touché du doigt ce que son joli petit enfant a pu réaliser grâce à toute son éducation que mon papa, mes frères et elle m’ont donné. Je pense que le meilleur reste à venir. Mon souhait est de voir l’environnement devenir meilleur pour que ça puisse aussi abriter des jeunes très ambitieux et que les choses se passent bien, que les gens prennent l’envie et qu’ils puisent réaliser leurs rêves.
LDM : Toujours dans le bilan des 10 ans-;il y’a 10 ans Stanley était un jeune rappeur. Qu’est-ce qui a changé entre le garçon que tu étais il y’a 10ans et aujourd’hui?
Stanley Enow: Je pense qu’en 10 ans, la vie nous donne des coups, on esquive après ça nous donne de petites leçons. Je pense que j’apprends à faire ce qu’on appelle de l’auto-évaluation et je pense que le meilleur reste à venir, je suis encore entrain de me découvrir.
Avant je m’habillais un peu trop cher mais maintenant je m’habille moins cher parce que pour moi on fait d’autres choses avec les économies.
LDM: «Take Ova» aujourd’hui what next?
Stanley Enow : Apres «Take Ova» ce sera beaucoup d’autres choses.
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Propos recueillis par Serge Bonny et Dorcas Priscille Tadiffo (stagiaire)
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