Revêtue d’une pluralité de casquettes, Bibiane Sadey est une artiste musicienne camerounaise au style musical Afro-Jazz. Elle se sert aussi bien de sa voix que de ses doigts pour jouer au piano et à la guitare. Descendante d’une famille d’artistes, Bibiane suit valablement les traces des siens notamment sa tante Beko Sadey, une légende du Makossa. À l’âge de 13 ans elle a pris sa passion comme son métier. Et aujourd’hui grâce à son talent, elle est très sollicitée et parcourt le monde entier pour faire valoir son savoir-faire sur des scènes de spectacles. Elle promet plein de grandes surprises à sa communauté dans cet entretien qu’elle a accordé à Laura Dave Média il y a peu .

Laura Dave Média: Bonjour Bibiane Sadey et bienvenue à Laura Dave Média.

Bibiane Sadey: Bonjour, merci de me recevoir.

Laura Dave Media: Issue d’une famille d’artistes, vous étiez prédestinée d’une certaine manière à la musique. À quel moment décidez-vous d’en faire un métier?

Bibiane Sadey: Je suis artiste musicienne camerounaise style Afro-Jazz.
Il est vrai que je suis issue d’une famille de musiciens mais ce n’est pas pour autant dire que toute la famille est musicienne. Donc à un moment donné, le métier est un choix.
Je décide d’en faire mon métier à l’âge de 13ans; c’est-à-dire traverser le cap de la passion et faire vraiment quelque chose de sérieux, de professionnel. Le 1er artiste qui décide vraiment de me faire confiance pour une première partie de concert c’est Tom Yom’s en l’an 2000. Il présentait son album « Zinga Zinga » à l’époque au cinéma le wouri. C’est ainsi que je me suis retrouvée et puis le reste s’est enchaîné. Par contre ma rencontre avec Jacob Desvarieux émane d’un programme qu’il avait dans le cabaret où je travaillais à l’époque et mon patron étant également antillais Mr Brand que je salue d’ailleurs , décide que j’assure les premières parties.
Je dirais que l’une des rencontres les plus poignantes c’était avec Étienne Mbappé il a provoqué un grand déclic dans ma carrière. Il m’a fait repenser les choses, revoir un peu là où je veux orienter ma carrière. Des rencontres comme celle avec Aladji Touré m’ont vraiment fait entrer dans la musique dans sa version théorique; parceque je faisais la musique à l’oreille jusqu’ici, mais rencontrer des gens comme Aladji Touré, Maître Stanley Kakeu qui a été mon maître presque 5ans, m’a fait revoir la musique côté théorique, solfège et à réveiller la fibre de pédagogue en moi.
Des rencontres comme celle avec André Manga m’a fait aussi entrer dans une autre dimension de ce que je fais parce que je ne suis pas qu’artiste chanteuse.
Avec André Manga j’ai commencé à travailler le côté arrangeur, direction artistique, direction artistique de spectacle. Je peux dire que c’est plus ou moins des grandes rencontres comme ça qui ont marqué des points focaux dans ma carrière.
Travailler les chansons, les mettre sur pied, je ne suis pas tellement auteur, je suis beaucoup plus compositrice, c’est des mélodies qui fusent tout le temps dans ma tête, je ne les commande pas. Puis je fais appel à certains auteurs pour m’aider à finaliser la chose, ensuite je fais parfois des arrangements toute seule, parfois je fais des pre-arrangements et puis je m’en vais vers certains aînés comme André Manga pour qu’il essaye de voir ce qu’il faut modifier ou ajouter.

Laura Dave Média: Bibiane Sadey, auteur-compositrice, musicienne interprète, arrangeur; artiste complète peut-on dire, comment planifiez-vous vos journées?

Bibiane Sadey: Quant à mon quotidien, je ne vous dirais pas que je suis celle là qui bosse son instrument, sa voix 5hr par jour; c’est vrai je le faisais avant mais aujourd’hui avec le quotidien de maman ce n’est pas toujours évident mais je trouve toujours du temps pour travailler et parfois je travaille même aussi à distance et je travaille aussi pour les autres parce que les arrangements je les fais pas que pour moi, je l’ai fais aussi pour les autres ou alors je monte des spectacles pour les autres.

Laura Dave Media: Votre dernière apparition au grand public remonte au 14 juillet dernier à l’Institut Français du Cameroun à l’occasion d’un hommage à la musique française. La musique transcende les langues, elle traverse les frontières, quel est le lien entre la musique française et africaine?

Bibiane Sadey: C’est la politique et la religion qui ont divisé les choses mais la vérité c’est que la musique est un langage universel. Par exemple pour ce qui est du style que je fais, je fais de l’Afro-Jazz donc forcément dans mon quotidien je fusionne toutes ces musiques, et en réalité c’est un terme que j’utilise parce qu’on est obligé de l’utiliser. Pour moi même je trouve que ça n’a pas de sens parce qu’on est obligé de l’utiliser. Pour moi même je trouve que ça n’a pas de sens parce que en fait toutes les musiques que nous faisons sont des musiques métissées parce qu’elles ne sont que le fruit de là où on se trouve et de ce que nous vivons au quotidien. Voilà pourquoi pour la chanson «hommage à la chanson française» je n’ai pas eu tellement de mal parce que nous savons au Cameroun notre degré de consommation de musiques étrangères en général et françaises en particulier. De plus, j’ai grandi avec ça parce que mes parents les l’écoutaient. Mon papa par exemple aime beaucoup les musiciens à texte de manière générale, il a toujours été très Enrico Marcias, Michel Fugain. Maman était très Goldman. C’est quelque chose qui était à l’époque dans toutes les maisons. Et puis avec le cabaret aussi à un moment donné on était obligé puisque c’était des répertoires demandés. Pour moi tout ça est lié parce que c’est un et ce n’est pas scindé.

Laura Dave Media: Vous avez été vu dans le projet Wake up Cameroun, une initiative de Cécile Eke en collaboration avec Tao et Claudia Fotchou. Quel message vouliez-vous passer? Plus d’un an après, pensez vous que le but a été atteint?

Bibiane Sadey: Le message de Wake-up Cameroun vient du fait que nous avons remarqué la montée de la haine en général et les haines tribales en particulier sur les réseaux sociaux. Quand vous lisez le casting de Wake-up Cameroun vous allez vous rendre compte que les 4 ères géographiques du pays sont représentées parce que Cécile est de l’ère Fang-beti, Tao est de l’ère sahélienne, Claudio Fotchou est de l’ère soudano-sahélienne et moi même de l’ère sawa. Donc nous avons vraiment représenté les 4 ères géographiques et le message que nous avons voulu passer à travers Wake-up Cameroun c’est un message d’unité; on voulait faire comprendre aux camerounais que nos divergences sont notre force. Ce ne sont pas des faiblesses encore moins de sujets de haine. C’était ça en fait le message de Wake-up Cameroun.


Laura Dave Media: Bibiane Sadey sollicitée sur plusieurs scènes importantes (Masa, Escale Bantoo) pour faire parler son africanité à travers sa voix et ses doigts, est moins productive coté single et même album, est ce un choix?

Bibiane Sadey: Je ne dirais pas que c’est tellement un choix; à l’époque c’était parce que j’étais un peu trop submergée de scènes, je n’avais vraiment pas le temps. Ça allait très vite.
Je suis par la grâce de Dieu l’une de ces rares artistes que même le Covid-19 n’a pas freiné parceque en octobre 2020 j’étais en pleine rencontre musicale de Ouagadougou «les Rhémas», donc je ne me suis vraiment pas arrêtée. C’est en fin 2021 vraiment que j’ai dû marquer une grande pause de presque un an, et le spectacle «escale Bantoo» était le signe de la reprise; c’était une pause bébé. Mais j’y pense et j’espère très bien vous revenir ne ce reste qu’avec un single. Mais vraiment ce n’est pas évident.

https://youtu.be/FkztZaaOkcl

L’autre difficulté c’est que je suis une artiste en totale auto-production; ce n’est pas évident au Cameroun lorsque vous êtes toute seule à financer tout ce que vous faites et qui plus est dans un style de musique que l’opinion publique trouve élitiste. Sur internet on nous colle une étiquette «les artistes de festivals». Mais malgré tout j’y pense et je pense que très bientôt je pourrais faire peut-être un maxi ou tout un album. Je n’aime pas souvent me donner des délais. C’est ça l’avantage avec l’auto-production parce que nous faisons des musiques intemporelles, du coup nous n’avons pas de pression, nous allons à notre rythme, nous sommes nos propres patrons, donc on n’a pas la pression des Labels.

Laura Dave Media: Votre style musical n’est pas le plus prisé par la jeune génération, qui sont ceux des aînés qui ont influencé votre choix? Qu’est-ce qui est fait par vous pour pérenniser cet héritage ?

Bibiane Sadey: Je suis quelqu’un de très électrique, j’écoute pratiquement tout. La majorité des artistes qui m’ont influencé ne font même pas dans le style que je fais. Comme je le disais, quand je grandissais, à la maison mon papa était un fan incontesté des Mittels, de l’un des artistes cités plus haut. Mon père a été soliste dans sa jeunesse, il n’a juste pas fait carrière. A un moment donné mon père avait estimé que si je veux faire comme les plus grands autant mieux écouter ceux qui à l’époque étaient d’ailleurs les plus grands comme Michael Jackson, Madona. Whitney Houston ; ça allait un peu dans tout les sens. Un peu plus tard en début d’adolescence je suis passée par la case R&B comme les enfants de mon âge, on était très R&B à la française avec des artistes américains et à un moment donné la puberté m’a donné une voix très très grave, donc du coup malgré moi je me suis tournée vers les Tracy Chapman, les Disry. Dido etc. Et sur le plan local, ça va dans tous les sens avec Richard Bona, Étienne Mbappé, Charlotte Dipanda, Coco Mbassi, Ben Decca, Annie Anzouer. Je ne peux pas tous les citer, j’écoutais beaucoup d’artistes.
Je ne suis pas inquiète parce que l’avantage avec ces musiques c’est qu’elles sont intemporelles. Le constat que j’ai fait c’est que le 21 Juin même, quelques heures avant de prester à l’Institut français de Douala, ils m’ont donné l’occasion de faire un entretien d’échange avec leur club jeunesse c’était environ la tranche d’âge 4-16 ans; et quand on discutait je me suis rendue compte qu’ils s’y intéressent. Donc je pense que le travail se fait tout seul. Et même quand écoutez beaucoup de productions jeunes par exemple des artistes urbains, si vous écoutez attentivement vous allez vous rendre compte qu’ils s’inspirent quelque fois de ce qui s’est fait avant. Donc ce sont de musiques qui ne se perdent pas. Et quand je vais jouer à l’extérieur je le constate encore plus parce que la musique est universelle. En réalité nous avons les mêmes rythmes c’est juste les noms qui changent et c’est sortir d’ici quelques fois qui m’a permis de mieux comprendre ça.

Laura Dave Media: Pour la jeune génération qui souhaite suivre vos pas, quel est le message que vous lui adressez?

Bibiane Sadey: À ce jeune là, je dirais premièrement qu’il aille à l’école parce qu’on a tendance au Cameroun à penser que l’art c’est ce qu’on fait lorsqu’on a raté tout le reste; c’est faux! Je dirais au jeune, vas d’abord à l’école au moins pour avoir les notions fondamentales et à l’époque ce n’est pas que nous n’avions pas l’envie d’apprendre la musique dans les règles de l’art mais nous n’en n’avions pas les moyens et la possibilité. Il n y’avait par exemple pas de magazines où on pouvait acheter des instruments au Cameroun à l’époque. Mon premier clavier, ce sont mes parents qui avaient fait parvenir ce piano de France; eux ils en avaient les moyens mais combien en avaient les moyens? Mais aujourd’hui il y’a tout sur internet, il y’a tous les tutoriels, les cours de partitions.
Je pense qu’un chanteur qui a quand même les petites notions d’instruments c’est un plus. Donc formez vous à la musique pas seulement de manière à l’oreille comme les africains le font mais aussi de manière théorique et ayez le mental.

Laura Dave Media: Parlez-nous de l’académie «Groove Collective» d’André Manga, comment s’est faite l’intégration?

Bibiane Sadey: «Groove Collective» est une énième expérience que j’ai faite parce que tout au long de ma carrière j’ai et je continue d’enchaîner les expériences pour parfaire autant que possible mon travail. Parce que je n’ai pas fait que l’apprentissage théorique dans les master-classes, je n’ai pas fais l’apprentissage que dans les cabarets, j’ai aussi expérimenté les chorales comme les chorales liturgiques, chorales gospels.
Avant «groove collective», je suis aussi passée par une académie dans laquelle non seulement moi mais beaucoup sont aussi sortis avec pleins de choses que vous connaissez notamment Valdez Mbang, Taty Eyong, Christian Obam qui à un moment donné a été bassiste de Youssou N’Dour pour ne citer que ceux là.
«Groov collective» en fait était un projet monté par André Manga pour mettre en lumière le travail des jeunes. Et André, connaissant la famille m’a pratiquement vu grandir. Alors, lorsqu’il a mis ce concept sur pied, il a directement pensé que je pourrais faire partie de ce projet; et comme je l’ai dit plus tôt, dans ce projet je n’étais pas juste celle qui tenait le micro. À un moment donné même, nous le premier effectif de «Groov collective» sommes retrouvés les pédagogues du deuxième effectif. André. Manga continue toujours de me former dans l’arrangement que ce soit l’arrangement musical, des chœurs, les harmonies. Même d’où il se trouve on continue de travailler.

Laura Dave Média: on enregistre des décès de jeunes artistes talentueux. Le plus récent est celui de l’humoriste Blaise Kalaba et de ses sœurs survenu le 14 juillet dernier des suites d’un accident de circulation, comment avez-vous accueilli cette nouvelle et les autres? Quel message adressez-vous aux fans et aux familles??

Bibiane Sadey: C’est une grande tristesse de perdre des proches, des amis encore plus des collègues, c’est avec une grande tristesse parce que ce sont des situations que nous ne souhaitons à personne surtout comme des cas tragiques comme ceux qui sont décédés par accident et la seule chose que je peux dire en tant que chrétienne c’est de rendre grâce à Dieu chaque jour, essayer autant que possible d’être une meilleure version de soi-même, faire attention. Le reste relève de la volonté de Dieu et face à la volonté de Dieu on ne peut rien faire sinon juste rendre grâce tous les matins. Le message global c’est rendons grâce à Dieu car pendant que nous nous levons d’autres sont à la morgue.

Laura Dave Media: À quand votre come-back?

Bibiane Sadey: Le come-back est déjà en marche, les dates se sont enchaînées, j’ai mis d’ailleurs cette vidéo sur les réseaux sociaux. La date qui a signé mon come-back n’était même pas au Cameroun, c’était à Genève pour la célébration de la fête nationale; j’étais invitée par notre ambassadeur du Cameroun après de l’ONU.

Sur le plan discographique, je ne sais pas encore peut-être bientôt mais en terme de scènes c’est reparti.

Laura Dave Média : Merci Bibiane d’avoir accepté notre invitation.

Bibiane Sadey: C’est moi qui vous remercie.

Propos recueillis par Ève-Pérec N.BEHALAL et Dorcas Priscille Tadiffo(stagiaire).

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